
Gianmaria Bruni a toujours fait preuve d'une grande détermination mais, au fil des quatre dernières saisons du Championnat du Monde d'Endurance FIA (WEC), il a indiscutablement prouvé qu'il est devenu le meilleur pilote GT au monde. Avec Roman Rusinov (catégorie LMP2), le pilote italien a remporté 12 victoires (plus qu'aucun autre en WEC), toutes conquises en LMGTE Pro pour Ferrari.
A 19 ans, il déménage en Angleterre pour disputer le championnat britannique de Formule 3. Il apprend la langue, gagne son surnom de "Gimmi"... et supporte aussi bien la nourriture que le climat afin de progresser dans le sport qu'il a choisi. Curieusement, c'est lorsqu'il abandonne définitivement la monoplace pour se concentrer sur les GT que sa carrière prend son véritable essor.
A 34 ans, le Romain a été titré en FIA GT (2008) puis en Intercontinental Le Mans Cup et Le Mans Series (2011). Il a également remporté deux victoires de catégorie aux 24 Heures du Mans (en 2008 en GT2 avec Risi Competizione et en 2011 en LMGTE Pro avec AF Corse) avant de s'engager en WEC, pour le véritable âge d'or de la Ferrari 458 Italia et d'AF Corse.
Nous avons interrogé Gimmi à propos de ses victoires en WEC : Le Mans (2012 et 2014), Silverstone (2012 et 2015), Sao Paulo (2012 et 2013), Spa-Francorchamps (2013 et 2014), Bahreïn (2013 et 2014) et Fuji (2014 et 2015).
Vous avez disputé toutes les manches WEC sauf une (les 6 Heures de Bahreïn 2012). Comme avez-vous perçu le développement du championnat depuis son lancement en 2012 ?
Gimmi Bruni :"Il n'a pas cessé de grandir. C'est fantastique car, lorsque nous avons commencé, nous n'étions qu'une poignée d'engagés en GT, et maintenant on peut voir à quel point ce plateau s'est développé. Il va y avoir énormément d'intérêt l'an prochain, nous allons voir arriver de nouveaux constructeurs d'ici quelques semaines. Ce développement concerne non seulement le GT mais aussi la catégorie LMP1. Vu de l'extérieur, il y a chaque jour de plus en plus de nouvelles personnes qui connaissent le championnat. Je pense que le WEC fait très bien les choses pour tout le monde."
Vous avez signé 8 pole positions en WEC. Appréciez-vous le format adopté en 2014, avec une moyenne de temps réalisés par deux pilotes ?
"Je pense que ça s'est mieux passé cette année qu'en 2014, avec seulement un meilleur temps pris en compte pour deux pilotes, c'est un meilleur format. Je l'aime bien comme ça parce qu'on partage tout ensemble s'il y a deux pilotes, comme c'est le cas actuellement. On perd ou on gagne avec son équipier. C'est une bonne chose d'avoir pris cet aspect en compte pour l'esprit d'équipe."
En 31 courses, vous êtes monté sur le podium à 20 reprises, dont 12 fois en tant que vainqueur. Quelle est la victoire qui vous a le plus comblé ?
"En fait, il y en a deux. La première, ce sont les 24 Heures du Mans 2012 avec AF Corse, et la seconde à Sao Paulo en 2013. Le Mans fut une grande satisfaction car nous étions partis depuis la dernière position après un gros accident de Giancarlo (Fisichella, ndlr) aux essais libres. Nous n'avions eu que 20 minutes d'essais et le warm-up du samedi matin pour rouler. C'était très dur de trouver le rythme et d'être au meilleur niveau, mais nous y sommes arrivés. C'était d'autant plus significatif si on regarde de quelle manière nous avions commencé la semaine.
"Sao Paulo 2013 fut une course très dure, avec une bagarre très intense face à Darren Turner et Aston Martin, tout spécialement pendant les 70 dernières minutes. C'était très serré. Après un début de saison qui n'avait pas été transcendant, nous sommes revenus dans la lutte pour le titre et ce furent de beaux souvenirs à la fin de cette saison."
Y a-t-il quelque chose de plus fort qu'une victoire au Mans ? Parmi celles que vous avez remportées aux 24 Heures, laquelle était la plus belle ?
"Je dirais celle de 2012, car ce fut une grosse bagarre, mais bien sûr, la dernière est toujours la meilleure ! Je n'oublierai jamais la première, mais c'était une autre époque, avec des voitures différentes et moins de concurrence en piste. Chacune de ces victoires apporte des émotions différentes, mais je me souviendrai toujours de la première et de la dernière."
A deux reprises seulement, vous n'avez pas pu terminer la course, et cela s'est passé à chaque fois à Shanghai (en 2012 et 2014). Ces abandons furent-ils vos plus grandes déceptions en WEC, ou des résultats comme ceux du Nürburgring ou du Circuit des Amériques en 2015 (7e) furent-ils pires encore ?
"Cette année, nous avons pu aller au bout en Chine, qui plus est en deuxième position, alors au moins, nous savons que nous pouvons faire un beau résultat là-bas. Nous y avons eu un gros accident en 2014 mais nous avons pu nous rattraper par la suite en restant en lice pour le championnat. Cette année fut très difficile et pour quelques courses, ce fut dur d'atteindre l'arrivée. Particulièrement au Nürburgring où nous étions en pole position, nous nous échappions en tête lorsqu'est survenu un problème électronique qui nous a finalement coûté le titre. Après cette course, je savais que remporter le championnat devenait très aléatoire. C'est difficile à accepter, mais c'est la course."
Quelle a été selon vous la course la plus dure ?
"Les 24 Heures du Mans 2013, car nous avons perdu un ami après deux heures et demi de course, mais à ce moment-là, il fallait encore tenir plus de 21 heures. Je n'avais pas envie de courir et c'était difficile pour moi de me concentrer pour piloter de nuit. C'était une course vraiment très dure, qui ne signifiait plus grand-chose... Quand on est pilote de course, on n'a pas envie de voir ce genre de chose arriver, mais quand cela arrive à un ami, c'est encore pire. Le fait de voir la sécurité s'améliorer au Mans est une bonne chose, et nous voulons tous prendre du plaisir à courir."
Quelle est la course qui vous a vraiment donné le sourire (pas seulement une victoire, mais plutôt la compétition, l'ambiance d'une course, ou encore l'esprit d'équipe) ?
"La semaine des 6 Heures de Bahreïn 2014 était très sympathique. Nous nous sommes amusés dès notre arrivée, tout spécialement pendant une interview "face à face" avec Toni (Vilander, ndlr) - nous nous sommes mis à rire et nous n'avons pas pu nous arrêter. Puis les trois jours en piste se sont également bien passés, et en course ce fut une belle bagarre contre nos adversaires. Remporter la Coupe du Monde Endurance FIA des Pilotes GT fut en quelque sorte la cerise sur le gâteau... La famille et l'esprit d'équipe, c'est ce qui me vient à l'esprit quand je repense à ces moments !"
Propos recueillis par Fiona Miller