La Suisse, terre de champions pour l'endurance

Si soixante et un ans sont une longue période pour tout un chacun, cela doit sembler une éternité pour la Suisse. Le sport automobile y est banni depuis que 84 personnes ont perdu la vie au Mans en 1955, mais cela n'a pas empêché ce petit pays d'offrir aux compétitions de sport prototypes quelques-uns de leurs pilotes les plus talentueux.

En 2016, Neel Jani est devenu le troisième Suisse à remporter le Championnat du Monde des Pilotes d'Endurance, sur les traces de Marcel Fässler et Sébastien Buemi, respectivement couronnés en 2012 chez Audi et en 2014 chez Toyota. Cette année, ils ont côtoyé dans le plateau du Championnat du Monde d'Endurance FIA (WEC) leurs compatriotes Simon Trummer (27 ans), Mathéo Tuscher (20 ans), Alexandre Imperatori (29 ans), Mathias Beche (30 ans) et Joël Camathias (35 ans). Seuls le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne ont présenté plus de pilotes ayant participé à au moins deux manches WEC. Alors, quel est donc le secret de la Suisse ?

Certes, on ne pense pas spontanément à la Suisse comme à un pays amoureux de la vitesse... Mais ceux qui viennent des cantons alpins l'ont véritablement dans le sang. Le ski alpin est une affaire  nationale dans la Confédération Helvétique, avec 19 Coupes du Monde remportées - seule l'Autriche, son éternelle rivale, a fait mieux. Lorsqu'arrive le printemps, les pistes de descente se transforment en un véritable paradis du VTT. Et une fois parvenu à ce stade, le prochain "grand frisson", c'est le sport automobile.

Le succès des pilotes suisses est loin d'être un phénomène récent. Parmi ceux qui ont tutoyé les sommets, citons le légendaire pilote Porsche Jo Siffert, Clay Regazzoni, vainqueur en Formule 1, l'éternel malchanceux Marc Surer et le champion des voitures de tourisme Alain Menu. De nombreuses équipes basées en Suisse ont également tracé une route victorieuse, comme Rebellion Racing, familière de longue date du WEC, Sauber F1 Team, Matech Compétition et ses Ford, qui ont fait courir Romain Grosjean aux 24 Heures du Mans 2010, l'écurie de Walter Brun, Championne du Monde des Voitures de Sport, ou encore Eggenberger Motorsport, titrée à deux reprises en Championnat d'Europe des Voitures de Tourisme.

Malgré l'interdiction du sport automobile national, la Suisse est une remarquable pépinière de talents en karting, et les choix de carrière ne manquent pas pour passer du kart à l'automobile. Avec les frontières communes du pays avec l'Italie (au sud), la France (à l'ouest) et l'Allemagne (au nord), les jeunes pousses du sport automobile suisse doivent affronter une concurrence sévère dès leur premier drapeau vert. Ce qui les pousse à hausser leur niveau et à s'adapter rapidement à ce nouvel environnement très compétitif.

Photo:  Alexandre Imperatori (CHE) et Mathéo Tuscher (CHE) avec Dominik Kraihamer (AUT).

Marcel Fässler a été formé en France, avant de partir pour l'Allemagne et la série DTM ; Sébastien Buemi s'est fait lui aussi les dents en Allemagne en Formule BMW, où il a été repéré par Helmut Marko, le chasseur de talents de la filière Red Bull ; équipiers chez Rebellion Racing, Mathias Beche, Mathéo Tuscher et Alexandre Imperatori sont quant à eux partis jusqu'en Asie, où ils ont acquis une expérience inestimable dans une culture automobile totalement différente.

Les pilotes suisses ont également gagné à s'étalonner face à d’autres nations dans le cadre de la Coupe du Monde du sport automobile A1 GP, que Neel Jani a remportée à l'issue de la saison 2007-2008. Buemi et Fässler y ont également piloté sous les couleurs de la Suisse. Dès ses premières années de compétition, Sébastien Buemi a ainsi pu engranger l'expérience du pilotage d'une monoplace Lola à moteur V8.

Dans l'histoire de l'endurance, Marcel Fässler, Sébastien Buemi et Neel Jani n'ont pas été les premiers Suisses couronnés d'un titre mondial. Et ils ne seront à coup sûr pas les derniers. Avec de nombreux jeunes talents prêts en découdre, la lignée du sport automobile suisse n'est pas près de s'éteindre.

James Newbold